« On dit que la France est la fille aînée de l’Église, mais c’est une fille bien infidèle » . Ces propos du pape François, adressés en 2015 à de jeunes lycéens français était une boutade. Elle soulignait néanmoins la complexité des relations entre la France et l’Église.
Mais d’où vient cette célèbre expression ? Il faut savoir que pendant longtemps les rois de France ont reçu le titre de « fils aîné de l’Église ». La coutume nait avec Clovis, le premier roi Franc baptisé chrétien en 496. En Europe, c’est la première conversion d’un souverain au catholicisme.
C’est ainsi que débute la filiation spirituelle entre les rois de France et l’Église catholique. La relation ne sera jamais simple au fil des siècles, surtout quand il est question d’exercer le pouvoir. Qui, des Rois ou des Papes, doit dominer les consciences et guider les peuples ?
Cette toile du XVe est la plus célèbre représentation du Baptême de Clovis dans la Cathédrale de Reims.
Cet évènement est considéré comme l’un des plus importants de l’histoire de France. Tous les rois de France sont, après Clovis, désignés comme « fils aînés de l’Église ».
La révolution française, avec la fin de la monarchie, aurait du mettre fin à la lignée des fils aînés de l’église. D’autant plus que, sous l’influence de la philosophie des lumières, du triomphe de la Raison sur la Foi, le pouvoir de l’Église est totalement remis en cause.
Mais en France, rien n’est simple. Il arriva ainsi qu’entre deux Républiques, la 1ère et la seconde, rois et empereur ressurgissent. Le pape refusa à Napoléon le titre de fils aîné de l’église. Il l’accorda à Louis XVIII et Charles X.
Louis-Philippe, dernier roi des Français, ne revendiqua pas le titre. Il se voulait « roi citoyen ». C’est sans doute pour cela que l’expression, avec le titre, glissa sous son règne. C’est la France entière, la Nation, qui devint alors la fille aînée de l’église.
Louis Philippe incarne un tournant majeur dans la conception et l’image de la royauté en France. Il n’est pas sacré roi de France mais intronisé roi des Français.
Il règne, entre 1830 et 1848, sous le régime politique de la monarchie constitutionnelle : c’est la monarchie de Juillet
Louis-Philippe prêtant serment devant les Chambres, le 9 août 1830, Ary Scheffer.
La formule rarement employée, fait une spectaculaire percée à la fin du XIXe siècle. L’occasion ? La commémoration du 14e centenaire du baptême de Clovis dans une République de plus en plus anticléricale. La loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État se prépare. Dans ce contexte tendu, la célébration de Clovis offre une arme aux hauts dignitaires catholiques. En imposant la formule, ils tentent de renforcer leur vision d’une France au poids prépondérant dans la chrétienté catholique.
Depuis, la formule « France fille aînée de l’Église », s’accroche à la République. Mais, dans un pays où près de 60 % des Français se déclarent sans religion, elle ne fait pas vraiment recette.
Les citoyens français se sont construits sur un héritage révolutionnaire et laïque. Celui qui permet à tous de vivre selon sa foi et ses croyances, ses opinions, sans qu’aucun culte ne s’impose à un autre. Dans la liberté et le respect mutuel. C’est bien cela le plus important !
Aller plus loin
- Le contexte de la boutade papale : « On dit que la France est la fille aînée de l’Église, mais c’est une fille bien infidèle « . Ces propos du pape François furent tenus sur fond de mini-crise diplomatique qui dura plusieurs mois entre la France et le Vatican. Le motif ? La nomination, par le président François Hollande, du nouvel ambassadeur de France auprès du Saint-Siège. Le pape refusa en effet d’agréer le diplomate français Laurent Stefanini : un catholique certes pratiquant mais homosexuel assumé !
- Depuis la loi de séparation des églises et de l’État, la République française n’a plus de religion d’État ni de religion officielle.
- Ce tableau de l’Institut Viavoice 2019 pour l’observatoire de la laïcité, montre le lien déclaré des Français avec les religions.
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Éclairage sur la laïcité : pourquoi en France, les lois de la République sont supérieures aux lois de Dieu ?